Il n’y aura aucune blague dans cet article. On n’a plus envie de rire. Le taux de mortalité du coronavirus en France est autour de 5%, contre par exemple 0,5% en Allemagne. Nos médecins sont à bout. La faute aux politiques d’austérités agressives menées depuis plus de trente ans, par des gouvernements se considérant de gauche comme de droite. Soumis aux mêmes logiques de rentabilité que le marché privé, l’hôpital est détruit, tout comme les autres services publics. Nos soignants n’ont plus les moyens ni financiers ni humains de travailler convenablement. La minute d’applaudissements de la part de la population française, celle-là même qui a porté au pouvoir les responsables successifs de cette catastrophe sanitaire, n’est au mieux qu’un maigre réconfort, au pire qu’une cynique piqûre de rappel au personnel soignant. Leur quotidien consiste à choisir qui laisser mourir sur un brancard, qui ne rentrera pas en réanimation, qui est trop vieux ou trop malade pour avoir un espoir d’être sauvé.
Comment on traite nos retraités
Les personnes âgées, parlons-en. La logique financière appliquée aux services publics a été particulièrement poussée à l’extrême en ce qui concerne les établissements adaptés aux personnes dépendantes. Les EHPAD publics sont maintenant sous la coupe de fonds de pension privés dont les actionnaires récoltent des dividendes monstrueux. Les aidants payent des fortunes dont leurs parents ne verront jamais la couleur. Mes grands-parents à moi, Michel Drouihier, sont dans un EHPAD. Ils sont en ce moment confinés dans une chambre d’une vingtaine de mètres carrés. Des infirmières sympathiques mais débordées leur apportent des plateaux-repas sans saveur. Sur demande, elles se déplacent pour amener un petit tabouret – le même pour tous les résidents – afin que ceux-ci puissent s’asseoir dans leur douche, qui n’a pas été construite selon les normes pour les personnes âgées et handicapées. En fait, la chambre entière n’a pas spécialement d’aménagement adéquat. Les interrupteurs de lumière ne sont pas accessibles à portée de main depuis le lit. Le personnel soignant a bricolé de petites ficelles pour permettre aux résidents de les activer. Le seul loisir de mes grands-parents ; la télévision, et lire le journal, quand il n’a pas été volé avant. Le tout pour 2500 euros par personne et par mois.
Les néo-libéraux, cette grande famille
Je me rends compte qu’il me suffit de faire tout le tour de ma famille étendue pour trouver d’autres exemples de l’échec de la gestion de la crise sanitaire. Ma copine en service civique a appris que certains d’entre eux étaient réquisitionnés pour aller travailler, tandis que les autres employés fragiles ou ayant des enfants en sont dispensés – le salaire, lui, ne s’adaptera pas en conséquence et restera au niveau ridicule de l’indemnité de service civique. Ma belle-mère est assistante maternelle ; son travail déjà précaire l’expose à travailler chez elle avec des enfants potentiellement porteurs sains. Elle ne travaille plus pour l’instant, mais elle ne sait pas encore si elle pourra bénéficier du chômage partiel. Ma sœur, saisonnière, mise à la porte du jour au lendemain de l’établissement hôtelier dans lequel elle travaillait, à 300 km de chez elle. Ma mère est enseignante ; dans un de ses anciens établissements, le proviseur a subtilement annoncé à l’équipe pédagogique que leur présence en ligne serait surveillée. Certaines de ses collègues ont été réquisitionnées pour aller travailler en crèche, sans aucune protection médicale. La sœur de ma copine, également professeur, à qui on a demandé du jour au lendemain de donner ses cours par télétravail, sans disposer pour autant d’aucune formation préalable à cette méthode. Son copain, intermittent du spectacle, qui a vu tous les événements être annulés ou reportés à la fin de l’année, et qui ne sait pas s’il parviendra à boucler son nombre d’heures minimum (sur ce point, des dispositions bienvenues ont été prises par le gouvernement, notamment sur le délai de calcul des heures ; mais elles sont loin de régler tous les problèmes).
Le pire est à venir
La crise du coronavirus aura au moins eu le mérite de révéler au grand jour les dangers de la gestion déshumanisée de l’économie. Le gouvernement Macron, mais aussi les précédents et le contexte européen ont tous participé à nous retrouver là aujourd’hui. Bien sûr, la population en est déjà victime depuis bien longtemps, et les nombreux mouvements contestataires qui ont gagné toutes les couches de la société, des émeutes en banlieue jusqu’aux mouvements des gilets jaunes en passant par les grèves des services publics, en sont les témoins. Mais qu’en est-il d’un changement politique ? Les prises de décision gouvernementales de ces derniers jours ne laissent pas entrevoir un avenir plus radieux. Le ministre de l’Action et des Comptes publics Gérald Darmanin a annoncé le lancement d’une cagnotte participative pour subvenir aux besoins des entreprises touchées, un signe de la déconnexion totale du gouvernement d’avec la réalité. Il ne leur serait pas venu à l’esprit que le CICE ou plus récemment la levée du bouclier fiscal sont déjà des cadeaux plus que suffisants, et qu’il serait temps de se tourner vers le sauvetage de la fonction hospitalière. Un décret marquant l’entrée dans l’état d’urgence sanitaire permet aux entreprises d’imposer les dates de congés payés pour contrebalancer le chômage technique de la crise, et d’imposer aux employés de certains secteurs de travailler jusqu’à 60 heures. Une semaine seulement après l’entrée en confinement, la ministre du Travail Muriel Pénicaud signait déjà un accord controversé avec le secteur des bâtiments et travaux publics afin de lancer la reprise des chantiers, aux risques et périls des salariés et intérimaires déjà exposés à des conditions de travail plus que difficiles.
Le changement, c’est quand ?
Bref, la politique néo-libérale a mené le pays droit dans le mur et elle va visiblement s’y entêter. La situation est anxiogène, les morts se comptent par milliers dans nos pays soi-disant développés. Les lois se votent sans concertation dans nos soi-disant démocraties. Et le mal-être est profond derrière notre optimisme affiché, parfois hypocrite, et les injonctions au bonheur de notre société du spectacle.
Comment changer de politique, améliorer notre condition de vie et mettre fin à ces oppressions ? Certains rêvent de grève générale, de marcher sur l’Elysée, de la révolution. Mais notre moyen le plus simple et le plus efficace, c’est encore, bien sûr, d’aller voter, en bons citoyens, en notre âme et conscience.
Poisson d’avril !
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