Le récit qui va suivre est celui d’un journaliste aventurier qui par nombres et chiffres s’évada du pays le plus fermé du monde.

Je me trouvais dans cette vaste chambre d’hôtel, rouge comme une petite boucherie au milieu des architectures de la ville. Un large lit couvert de fourrures blanches. Au pied du lit, une peau de bête. A gauche du lit une table de chevet sur laquelle reposait un livre de sudoku.

Au premier plan gauche, une baie grillagée donne sur une place de Pyongyang. Sur la droite un miroir mobile de taille humaine. Vu la tenue qui trainait sur le lit, je devais m’être évadé d’un camp de travaux forcés ou de remise en forme.  Heureusement pour moi, la lingerie était toute proche de ma chambre refuge, ça serait bête de se promener tout nu quand on veut passer inaperçu tout de même.

Il faut maintenant que je quitte le pays le plus fermé du monde (1) et mon seul outils pour cette évasion est ce cahier de sudoku. Même pas terminé qui plus est.

Le fait est que j’étais bel et bien en Corée du Nord, reste à savoir si j’ai moi même trouvé le nord ou bien était-ce la Corée du Nord qui m’avait trouvé. Je devais dans tous les cas m’échapper de ma tour d’ivoire, le seul hôtel de luxe du pays, bon un ascenseur, c’est assez facile à trouver, merci au logo avec écrit « Elevator » probablement du Coréen Nordiste. J’avais choisi d’emmener mon cahier de sudoku avec moi, il ne s’agirait pas de laisser trace de mon passage. Hélas je n’avais pas de sac pour voler les produits et serviettes de la salle de bains de ma chambre. Je suis parti avant que cette chambre ne me devienne une cage, ressemblant à une grille de sudoku, une prison.

Je me trouvais maintenant sur un chemin de ronde sur les remparts de Pyongyang, aussi communément appelé la rue. Nuit d’orage (2). Éclairs de chaleur. On entend le brouhaha et les musiques du quartier populaire. Mon cahier de sudoku possédait une couverture en papier glacé. Je m’en servi donc pour m’abriter sommairement de la pluie, essayant de passer inaperçu, la pluie battante procure au moins un anonymat solide.

Un détail minime mais pourtant cruellement important manquait à mon plan. Je n’avais pas de plan. Et donc, conséquence, j’étais perdu.

Mais il ne faut pas se laisser abattre (3), je ne peux pas perdre le Nord, puisque j’ai le sudoku. J’ai donc décidé de suivre les chemins que m’indiquent les chiffres disposés dans les quelques grilles du cahier. Il faut toujours faire confiance en son cahier de sudoku. Voilà donc que je me dirigeais vers l’Est, plongé dans la lecture de mon carnet salvateur qui m’abritait de l’orage (4). Pourquoi l’Est je l’ignore, on parle sans cesse de la Corée du Nord et de la Corée du Sud, mais je suis persuadé que la Corée de l’Est est un endroit charmant (5). Mais voilà qu’au fil de mes pérégrinations, je me mis à tourner en rond, ou en carré, voir en grille, allez savoir. L’orage avait cessé, il devait manquer quelques indications sur la grille du cahier. Cela entravait ma fuite du Nord vers le sudoku.

Il ne pleuvait plus et la lumière était revenue, je vis donc les traces laissées par les quelques chiffres gommés qu’il me manquait. Victoire, ma quête ne s’arrêterait pas là, l’évasion du Nord au sudoku allait aboutir. 

Les heures se suivent et se ressemblent, remplis de chiffres avec des grilles autour, j’accomplissais sans relâche la distance et la direction que m’indiquait chaque grille.

Voyez donc, en commençant en haut à gauche, mon cahier m’indique clairement de faire 4 km vers le nord, 1km vers le sud et 3 vers le sud-ouest, ce qui j’en conviens ne fait pas une route très linéaire, mais il faut savoir faire confiance en son cahier de sudoku qui ne vous a jamais laissé tomber jusque là.

La dernière page de mon compagnon en papier glacé arrivait à son terme. Je leva alors les yeux et trouvai la terre du milieu, mi chemin entre la Corée du Nord, la Corée du Sud, la Corée de l’Est et la Corée de l’Ouest; la Corée du Milieu. Séparant ces quatre pays distinctement, en une zone démilitarisée et sauvage, diminuée en DMZ, je sus alors que j’étais arrivé.

  1. Ou un pays pas trop mal classé dans la liste de ces pays.
  2. Ô désespoir.
  3. La milice tire-t’elle à vue même en dehors du confinement ?
  4. Pas facile de marcher en regardant vers le ciel, sans le ciel.
  5. Peut être un prochain article sur la Corée de l’Est, Terre de contrastes.

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